mercredi, décembre 27, 2006

NAISSANCE D'UNE ANTI-TRAGEDIE


















Quoi de plus fondant qu'une bonne histoire de religion... pas d'accord? Ici, perso, on adore.
Vous connaissiez donc par ordre d'apparition : le judaïsme, la christianisme et l'islam, nous aujourd'hui, celle qu'on vous voudrait vous présenter à déjà un nom qu'on pourrait croire droit sorti de la cervelle d'un publicitaire cocaïné : le Culte du Cargo. Ouais, rien que ça.
La religion du Cargo, n'a qu'une petite soixantaine d'année (les dates sont pas bien claires) d'où son absence de rayonnement dans le monde. Enfin... jusqu'à ce que naisse Casablancasylum, fer de lance discret de la nouvelle offensive spirituelle du Culte du Cargo.

L'humidité est oppressante dans la région où sévit le Culte, la chaleur aussi. Au sol une plage de sable noire, celle de la baie du Sulphur, plage hantée dormant sous la menace du volcan qui la surplombe. Végétation luxuriante, bananiers, palmiers et papous nus pieds. Ici les missionnaires n'auront pas su empapaouter l'autochtones avec leurs sornettes judéo-chrétiennes, et le prophète ne s'appelle pas Jesus mais John Frum.


John Frum, pour les habitants de la baie du Sulphur, John Frum est le fils de Dieu. Oh j'en vois déjà qui sourcillent, se tortillent, se fanatisent. Doucement... on a pas encore fini notre voyage.
John Frum est une sorte de malésien noir, mais aussi parfois blanc, pour certains un GI noir-américain. John Frum est aussi le dieu du volcan, avec son armée de morts qui vivent sous le cratère, et qui apparaissent en rêves aux hommes du villages quand on les retrouve allongés intoxiqués au kava.


Sa première apparition sur l'ïle remonte au temps de l'ordre colonial anglais, à l'époque les anglais crurent qu'il s'agissait de l'un des hommes de la tribu lacustre. Ils en arrêterent certains pour les clouer au pilori, au milieu du village. Mais cela ne fit qu'apporter à la croyance ses premiers martyrs et John Frum continua de réapparaître.

Croyance exotique que ce culte du cargo qui intrigua nombreux anthropologues. Car le Culte n'est pas propre au village de Sulphur, tout autour de la Mélanésie, de la Nouvelle Guinée aux îles Salomon des dizaines de communautés sans aucunes connexions, ne partageant pas la même langue, génèrent spontanément le même corpus de croyances bizzaroïdes.
Et comme chaque culte est toujours étroitement lié à l'environnement qui l'a vu naître, on aura vite compris que le prophète des ces différentes communautés n'était autre que le missionnaire de jadis, l'homme blanc qui débarquait trainant avec lui ses malles et ses colis de vivres.


Et il apparut vite que ces cultes étaient fondés sur une croyance selon laquelle les marchandises occidentales – dites cargo – n'étaient pas des produits de l'industrie humaine mais devaient avoir une origine divine. Ces cultes reposaient sur un mythe expliquant comment les produits européens étaient inventés par une divinité – créée pour l'occasion – et comment les Mélanésiens pouvaient obtenir ces biens par l'intermédiaire de leurs ancêtres, en devenant les fidèles d'un chef du cargo. Celui-ci avait reçu de cette nouvelle divinité les rites censés permettre l'obtention des biens considérés. Ce système était si souple que, lorsqu'une interprétation du mythe se trouvait ne pas faire venir les biens attendus, elle pouvait être immédiatement remplacée par une autre ; les adeptes de ces cultes considéraient en effet que l'inefficacité de leurs actions ne provenait pas de leur inadéquation avec la réalité mais du fait qu'ils n'avaient pas su respecter l'ensemble des rites religieux indispensables à l'arrivée du cargo.

Un exemple célèbre en est d'ailleurs donné en la personne de Peter Lawrence. En 1949 cet anthropologue australien embarque pour la Nouvelle Guinée bien décidé à revenir avec un joli rapport sur les relations sociales dans les tribus de l'île. Mais rapidement il s'aperçoit que sa présence fait naître une nébuleuse de superstitions, des rumeurs avancent qu'un cargo arrivera bientôt débordant de viande, de riz, de tabac, et de machines pour faire de l'électricité. Quand il demande alors qui envoit ce cargo il s'entend repondre "Dieu, au ciel".


Aujourd'hui le culte du cargo gronde encore sur le sable obsidien des côtes guinéennes. Sur l'île Tanna, on le célèbre en parades pataphysiquement militaires. Là des jeunes hommes défilent au rythme de sourdes percussions. Sur leur torse des initiales peintes en rose. U S A. Ils avancent, fiers, dressant un bambou sculpté et peint en rouge sur leurs épaules. Ils avancent en rang, pas très convaincant mais avancent. Soudain ils se fixent, silence. Un homme hisse un drapeau, celui des US Marines, puis un autre, cette fois il est aux couleurs de la Georgie redneck.


Puis le bruit rejailli, les sifflets les tambours les grosses caisses les cris cadencés de la foule, et l'armée regagne la forêt.

Ailleurs on a vu des tribus plus évoluées préparer d'improbables pistes d'atterissage, édifier d'affolantes tours de contrôle en vue d'un prochaine attérrissage, et on passe donc du culte du cargo au culte des aéroplanes, c'est les désastres aériens qu'évoque Gainsbourg dans sa version musicale du Cargo Cult, extrait :

Je sais moi des sorciers qui invoquent les jets
Dans la jungle de Nouvelle-Guinée
Ils scrutent le zénith convoitant les guinées
Que leur rapporterait le pillage du fret

Sur la mer de corail au passage de cet
Appareil ces créatures non dénuées
De raison ces papous attendent des nuées
L'avarie du Viscount et celle du Comet

Et comme leur totem n'a jamais pu abattre
A leurs pieds ni Bœing ni même D.C. quatre
Ils rêvent de hijacks et d'accidents d'oiseaux

Ces naufrageurs naïfs armés de sarbacanes
Qui sacrifient ainsi au culte du cargo
En soufflant vers l'azur et les aéroplanes.


Etrange mais bien réel voyage, et non non non ceci n'est pas encore un de nos délires hallucinatoires chroniques..... mais que voulions nous dire en débutant cette histoire... notre propos nous échappe, c'est bien pour celà qu'on nous a enfermé dans ce casablancasile de fous neuropsychodramatiques. Et on nous appelle déjà... bye now.

5 commentaires:

Imaaane a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Imaaane a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
Imaaane a dit…

Bravo antiphon, il est top ton post..
un culte comme un autre en fait, à l'origine toujours un miracle, marcher sur l'eau, enfanter vierge, koik c possible pratiquement..pkoi pas un cargo !!..c tellement niais que ça en devient attendrissant..:))
mais bon on est toujours le niais de kelkun d'autre...

Ps : g dû supprimer et reformuler mon com, par paranoïa nichanesque, j'avais dit une connerie..sait on jamais ..://
kelle galèèère

Anonyme a dit…

Trés interessante histoire, merci pr les infos

Antiphon a dit…

... toujours ravi de partager avec vous toute la folie de notre humanité...