
Hep hep lecteur... saches que si l'on met sur notre Casablancasylum des liens vers d'autres esprits frondeurs, c'est que le voyage vaut le détour. Alors pour ceux qui n'auraient pas la bonne idée de suivre Amine et les aventures de son Label Ash, voici les dernières frasques de notre héro. Nous on en redemande !
"Cela fait 4 ans que je suis à Barcelone mais je n’étais encore jamais allé au consulat du Maroc ici. Mon passeport expirant dans quelques mois, ce fut donc l’occasion de m’y rendre enfin.
Le site web du consulat, plutôt bien fait, mentionne clairement: “El consulado se encuentra en el número 91 de la Calle Béjar, perpendicular a la Estación Sants”
J’arrive à l’adresse en question. Rien, pas de panneau, pas d’interphone, pas de consulat. Je me renseigne au commerce attenant à l’adresse indiquée.
« Pero coño me lo preguntan cada día. Estos inútiles se fueron de aquí hace dos años y aún no han actualizado su dirección en su portal Internet ! » (Mais bordel on me le demande chaque jour ! Ces abrutis sont partis d’ici il y a 2 ans et ils n’ont toujours pas actualisé leur adresse sur le site Internet !)
Il m’indique une autre adresse, j’y arrive vers 8H30.
Un longue queue de 25 mètres environ longe le bâtiment. Assez désorganisée. On ne sait pas vraiment où elle termine ni où je dois me positionner. Je la remonte jusqu’à la porte d’entrée pour voir s’il y a plusieurs guichets, et là surprise, une autre queue venant en sens opposé. Une queue de femmes uniquement. Je me retourne et scrute la première. Que des hommes. Une queue pour hommes, une queue pour femmes. Et puis je me mets à compter, déformation professionnelle. 73 hommes dans la première dont 27 barbus avec presque tous une gandoura blanche, 29 femmes dont 18 voilées dans la seconde. Je repense d’un coup aux plages islamistes au Maroc. Ma logique illogique me pousse à me positionner dans la file des femmes, elle est plus courte.
Un groupe de 3 barbus me fusille du regard, je prends un malin plaisir à les fixer sans ciller.
9H00. La porte principale du consulat s’ouvre enfin. Un beau moustachu, bon petit ventre en forme de luth inversé, en sort, donne le dos aux hommes, et invite les femmes à rentrer.
Je suis en fin de queue, suit les femmes qui rentrent et me trouve nez à nez avec le moustachu. Il a des miettes de croissant sur la moustache et les sourcils en éventail.
« Wa ta chad ssaf » (Va faire la queue »)
- Rani fsaf (je la fais)
Il me montre le plombage de sa prémolaire droite dans un beau bâillement, et me dis agressivement.
« Wa ssaf dial rjal, machi hada fih ghir la3yalate » (La file des hommes, pas celle-ci, il n’y a que des femmes).
Là je monte les décibels et lui dis qu’aucun consulat ni administration ne fait une queue pour hommes et une autre pour femmes. Il m’ignore et se retourne pour faire rentrer l’autre file masculine, je m’interpose et lui dis que je rentre avec les femmes, étant dans leur file qui est entrée en premier (je sais je suis têtu).
Un des 3 barbus suscités vient me voir, l’air menaçant.
« Malek nta baghi tnowadna fdiha, wach 7na bnadem wla hayawan bache tkhalto hakake m3a l3yalates » (Qu’est ce qui te prend à nous faire un scandale, sommes-nous des humains ou des animaux pour nous mélanger ainsi avec les femmes » ?).
Là je sens désagréablement mon sang monter en flèche du talon à la nuque, je serre instinctivement le poing droit et me force à garder le bras bien tendu vers le bas. Je le regarde fixement et hésite longuement. Lui cracher au visage, lui mettre un coup de boule en plein nez, détendre mon bras et laisser mon poing remonter ? Je me force à me calmer. Je continue à le regarder. Ma haine doit être visible. Un jeune d’une vingtaine d’années vient me saisir par le bras et me pousse lentement vers le bout de la queue masculine (pardon pour le mauvais jeu de mots).
« Khouya, bered, makayswawch hado, bered wla ghat jbed lrasek machakil bla fayda » (Mon frère, garde ton sang froid, ils n’en valent pas la peine, calme-toi où tu vas t’attirer des ennuis pour rien).
Je me calme, et puis je pense à cette échéance du 7 septembre. Aux barbus. A l’abstention. Au PJD. Je me situe aux antipodes des idées de ce parti dont l’idéologie ne peut qu’obérer le développement du Maroc moderne auquel je rêve, celui qui se construit en ce moment.
Ce parti.
Qui ne devrait pas en être un. Un « parti religieux » est pour moi un anachronisme, un hydre politique liberticide et source de toutes les dérives.
Une fois entré dans le consulat, c’est encore pire. Il y a quatre files. Trois d’hommes, une de femmes. Un fonctionnaire du consulat se promène d’une file à l’autre et précise à qui veut l'entendre: la première pour les passeports et les cartes d’identité nationales, la seconde pour les légalisations de signatures, la troisième pour les immatriculations consulaires, la quatrième… pour les femmes (sic!). Les femmes sont devenues une catégorie administrative consulaire.
Dépit et dégoût, c’est ce qui me vient à l’esprit à ce moment-là.
Les barbus ont-ils déjà gagné ?
Mon moustachu vient me voir.
« Makayne mouchkil (il n’y a pas de problèmes), nous sommes obligés de nous organiser comme cela, vous comprenez Monsieur »
- Non je ne comprends pas, depuis quand sépare-t-on les hommes des femmes ? Il n’y a que dans les mosquées et les hammams que l’on fait cela chez nous…
« Nous l’avons fait pour nous adapter à nos ressortissants, c’est eux qui n’aimaient pas se mélanger entre eux ».
…
Les barbus ont-ils déjà gagné ?
...
- Au fait, vous savez que sur le site du Consulat, c’est toujours l’adresse de la Calle Béjar qui est indiquée ?
« Oui il paraît, il faudra leur dire à Rabat »
Il faudrait leur dire beaucoup de choses sur ce consulat à Rabat."